Se Nourrir Demain : 3 scénarios pour imaginer l’agriculture du futur ( paru dans la revue Usbek et Rica Juin 2024 )

Scénario 1 : L’effondrement agricole et les luttes pour la subsistance En 2035, les pratiques agricoles sont globalement restées les mêmes. Une constance rassurante pour toute la filière, mais qui n’a pas pour autant amélioré la condition des agriculteurs. Car dans le même temps, les catastrophes naturelles ont continué à se multiplier, accompagnées d’une accélération de l’effondrement de la biosdiversité et un accès à l’eau devenu de plus en plus précaire. Peu à peu, le volume de terres cultivables recule drastiquement face à l’avancée des zones arides et les rendements s’effondrent. La terre n’est plus en état de fournir la nourriture dont le monde a besoin. Rares sont les pays qui peuvent encore financer leur propre alimentation Par conséquent, l’augmentation des pénuries alimentaires remet le sujet de la sécurité alimentaire au cœur des politiques internationales bousculées par les crises. Rares sont les pays qui peuvent encore financer leur propre alimentation. Les émeutes dues à la famine se succèdent dans un contexte où les migrations climatiques remodèlent régulièrement la carte géopolitique. On assiste même à un phénomène de renomadisation de la main-d’œuvre agricole mondiale, se déplaçant vers les zones susceptibles de fournir un travail saisonnier. Dans ce contexte de précarisation généralisée, le commerce ne s’arrête pas pour autant. Mais l’explosion des tarifs de l’énergie et le coût des transports réserve l’accès aux produits alimentaires importés à une élite industrielle, qui a su tirer parti de cette situation. De grandes firmes agricoles se sont engagées dans la fabrication de races animales et de variétés de semences aptes à s’adapter aux spécificités climatiques de chaque territoire. A chaque milieu, chaque relief, chaque topographie, chaque climat son type de culture hyper-adaptée. Un commerce qui contribue à une ultra-spécialisation géographique des cultures autant qu’à une standardisation des variétés. Des territoires entiers sont dédiés à la monoculture, contribuant évidemment à aggraver encore un peu plus la qualité des sols et la dépendance des agriculteurs aux industriels du secteur. L’alimentation est devenue une arme sophistiquée, qui peut cependant se retourner facilement contre son propriétaire, comme ce fut le cas quelques années auparavant, où un microorganisme particulièrement virulent avait ruiné une filière entière et ravageant la quasi-totalité de la production du sorgho mondial, devenu vulnérable par des croisements génétiques hasardeux et une standardisation trop importante des semences. Une crise majeure qui avait plongé la moitié du globe dans la famine et avait provoqué des premiers mouvements de sécession, certaines communautés ayant préféré se retrancher en clusters dans un mouvement de reterritorialisation des cultures et s’affranchir des règles globales. Un mouvement d’autonomisation qui voit renaître des écosystèmes paysans locaux, mais qui entraîne aussi de nouvelles dépendances, aucun territoire ne pouvant prétendre à une autarcie alimentaire totale.
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